Trois pièges qui bloquent la transformation des entreprises
Le besoin de transformation ne s’est jamais autant fait sentir dans le monde de l’entreprise. Les grands du numérique, tels qu’Amazon, Facebook, Google et Twitter, ne cessent d’amasser des parts de marché et des profits mais seules quelques entreprises de commerce physique (citons Apple, Nissan et HCL Technologies) ont réussi à évoluer suffisamment vite pour rattraper leurs rivales. Pourquoi les entreprises qui perdent de leur pertinence ont-elles tant de mal à s’en remettre ?
Pendant des décennies, le succès d’une activité dépendait de trois éléments fondamentaux : des idées innovantes ; une exécution moins coûteuse, plus rapide et de meilleure qualité ; un leadership solide. Les idées étaient cruciales; mais c’était l’exécution qui générait un avantage concurrentiel, même pendant l’ère de l’Internet pour des entreprises comme Toyota, GE et Dell. Elles étaient capables de donner une apparence géniale à des idées médiocres, parce qu’elles étaient bien mises en œuvre. De plus, une culture de l’avarice, de la centralisation, du commandement et du contrôle dominait ce type d’organisations.Mais, à l’ère du numérique, les sources habituelles d’avantage compétitif se tarissent, et ce pour trois raisons. D’abord, les technologies numériques ont réduit et simplifié les cycles d’exécution. Ensuite, avec l’émergence d’organisations spécialisées pouvant gérer la production et la logistique, le service client et après-vente, ainsi que le service informatique, les barrières à l’entrée ont été abaissées dans de nombreuses entreprises. Enfin, les nouvelles technologies ont permis d’accéder à une analyse plus poussée des données clients, une visibilité et une échelle plus grande, obligeant à se détacher de la standardisation pour proposer des offres personnalisées et des expériences uniques aux consommateurs.Par conséquent, la formule gagnante est aujourd’hui : des idées innovantes ; proposer des expériences uniques ; assurer le leadership. Par exemple, l’ascension d’Uber a été propulsée par un concept novateur — utiliser une application mobile pour appeler un chauffeur VTC — et une super expérience client, qui peut facilement régler par carte bancaire et partager en ligne son avis sur le chauffeur. Les dirigeants d’Uber ont un devoir de transparence et encouragent leurs collaborateurs à chercher sans relâche de nouveaux débouchés commerciaux. Il n’est pas étonnant que la valorisation de cette société, fondée il y a sept ans, soit aujourd’hui estimée à environ 60 milliards de dollars (lire aussi la chronique « Comment transformer un business model ? Suivez l’exemple de Lego, Casino ou encore Club Med »).Mais qu’en est-il si vous êtes une entreprise établie plutôt qu’une start-up ? D’après mon expérience chez HCL Technologies, où je menais les efforts de transformation, en matière de changement dans les grandes entreprises, il y a trois pièges à éviter :
1. Le piège de la logique
Les entreprises doivent souvent envisager de faire ce que les autres trouvent impossible à réaliser. Elles ne peuvent changer radicalement si elles limitent leur réflexion à un cadre rationnel. Par exemple, la société Amazon serait-elle arrivée à l’idée des drones de livraison en suivant simplement les sentiers battus ?Les entreprises intelligentes savent identifier les ouvertures, se concentrer sur les points faibles, sur les ruptures et insister sur la création de nouveaux marchés. Leurs dirigeants sont forcés de s’éloigner des processus par étapes, tels que la réduction des coûts, et d’imaginer de grands sauts afin de se mettre sur la voie de la transformation. C’est ce que nous avons accompli chez HCL technologies avec l’idée de « Les employés d’abord, les clients ensuite : comment renverser les règles du management ».
2. Le piège de la continuité
Une comète laisse derrière elle une longue traînée bien longtemps après avoir disparu, mais les astronomes, qui savent que la comète est partie, s’empressent de re-calibrer leur télescope pour en chercher une autre. A contrario, de nombreux dirigeants d’entreprises se rassurent en se rattachant au passé — se contentant d’observer la traînée de la comète déjà partie depuis longtemps — au lieu d’être emballés par l’incertitude de l’avenir.Certains affirment que l’incertitude démotive les employés, provoquant l’accroissement de l’usure et de la corrosion de la valeur marchande. Pourtant, le contraire est aussi vrai : le plus brillant des talents est en général stimulé par les défis et la manière de les relever. Un propriétaire peut faire de beaux discours sur sa splendide maison, mais c’est la fuite dans la salle de bains qui stimule le plombier.HCL Technologies était fière de ses tuyaux percés, pour ainsi dire, et s’est mise à nu quant aux aspects de l’organisation qui ne fonctionnaient pas. Ça a séduit les transformateurs, attirés par le défi que constitue la résolution de gros problèmes. La fréquence d’horloge d’HCL a augmenté, son talent et son énergie ont été mobilisés pour s’occuper des ruptures à venir. Par conséquent, l’entreprise a vu son chiffre d’affaires et sa capitalisation boursière multipliés par sept en l’espace de neuf ans.
3. Le piège du leadership
Si l’avantage concurrentiel tient aujourd’hui à l’interface entre les collaborateurs et les clients, le rôle du dirigeant ne doit plus se limiter à celui du commandant : il doit aussi favoriser l’innovation ascendante (« bottom-up »). L’expérience client prévaut sur tout le reste, ainsi les dirigeants ont le devoir d’inciter leurs collaborateurs à créer et à proposer des expériences uniques en puisant dans leur vision.Howard Schultz et Jeff Bezos, respectivement P-DG de Starbucks et d’Amazon, sont des partisans de ce credo de responsabilisation de l’employé. Leur objectif est d’encourager les collaborateurs à se sentir personnellement responsables de l’expérience client. Voilà comment bien plus de leaders devraient penser.De nos jours, l’impact des technologies numériques sur les business et les modèles de leadership est la problématique majeure à laquelle sont confrontées les entreprises. C’est l’occasion pour les dirigeants d’entreprise de s’affirmer, de compter, et de transformer la menace en opportunité de transformation sans pour autant passer par un changement incrémentiel. N’est-il pas stimulant d’accomplir quelque chose que personne n’a fait avant vous ?
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