Moins de hiérarchie, plus de liberté : l'esprit start-up souffle sur le management
C’est une nouvelle énergie dans la ville. L’irruption d’une économie parallèle, en marge des grands groupes, de leurs réunions sans fin, de l’obsession généralisée d’être « politique » pour grimper dans la hiérarchie ou simplement garder son poste. Un monde en soi, un monde à part, où les décisions vont vite, où les projets font sens et où s’exprime l’envie de prendre des risques et de croire au succès. Depuis deux ans, malgré un contexte économique en berne, le nombre de start-up qui se créent à Paris explose : elles sont aujourd’hui trois mille (plus qu’à Londres). Les lieux qui les hébergent fleurissent. Un mot a force de loi : créativité. Celle-ci s’incarne jusque dans les rues de la capitale. Le start-upper part travailler, tee-shirt jaune vibrionnant, scooter survolté et coupe de cheveux à la Mark Zuckerberg - le fondateur de Facebook, emblème de la Silicon Valley. À Paris, on le croise surtout dans les IIe, IXe et XVIIIe arrondissements, ou encore dans le Marais. Son homologue féminine hante les cantines bio, bars à jus (on se doit d’être en pleine forme quand on devient son propre capital) et autres cafés déco, où travailler en WiFi. Des lieux tenus eux aussi par de jeunes entrepreneurs, l’esprit créatif se nourrissant avant tout d’une atmosphère inspirante.
À « Paris Valley », pas de palmiers, pas de plage. Mais l’esprit de la côte californienne est bien là, et nous fait un bien fou. Dès l’entrée du Numa, l’espace de coworking dont tout le monde parle, érigé comme une grande cathédrale 2.0 en plein centre du « Silicon Sentier », on est frappé par l’ambiance qui règne entre les murs clairs : ici, pas de cloisons, mais un bar aux allures de café d’étudiants, des fauteuils et des tables de couleur - et, partout, des jeunes qui s’installent pour une heure ou une journée et qui travaillent, l’œil rivé à leur écran. Ici, on vient pour créer ailleurs que dans son salon, écouter des conférences sur les dernières avancées « tech » ou sur la création d’entreprise, rencontrer des gens. L’idée qui fera mouche naît souvent de la confrontation avec l’autre. Une « hybridation », disent-ils, issue d’une discussion avec un développeur, un grand patron, un sociologue ou un ingénieur. Tout est fait pour favoriser les interactions : bureaux non nominatifs, espaces dégagés, multiplication des lieux (terrasses…) et des occasions de rencontre. « Ce qui compte, c’est la circulation du flux », résume Marie-Vorgan Le Barzic, la fondatrice du lieu. L’information est une richesse qui se partage.
Une hiérarchie plus « flat »
Au-delà de futures cotations en Bourse, c’est bien une nouvelle façon de penser les liens au travail qui s’affirme. Première valeur ? La hiérarchie doit être le plus « flat » (plate) possible, pour accélérer la prise de décision. Dans une start-up, chacun est chef de projet, jugé sur ses résultats. Et intéressé à ceux de l’entreprise (ainsi, il travaille aussi pour lui). « Chez Numa, tous les salariés sont actionnaires de l’entreprise, confirme Marie-Vorgan Le Barzic. Par ailleurs, nous venons de lever un million d’euros en crowdfunding auprès de trois cent trente personnes désormais également actionnaires du Numa pour 12,5 % du capital. Je pousse jusqu’au bout ma logique de foi en l’humain. »
Deuxième mini-révolution : on n’est plus dans le règne de l’idée gravée dans le marbre. L’heure est à la pensée binaire, à l’empirisme anglo-saxon, au faire et à l’hypothèse. On a une idée ? On la teste, et on la garde si elle est bonne, on l’abandonne si elle est mauvaise. C’est pourquoi de nombreux grands groupes deviennent aujourd’hui incubateurs de start-up : ils ont compris que tout y va plus vite que dans un département de recherche et développement. Cools, assurément, ces start-uppers le sont. Mais pas seulement. Car les jeunes créateurs rencontrés pour cette enquête ont l’esprit tendu vers l’objectif et les yeux plissés par les longues heures passées derrière l’écran. Passionnés, ils sont aussi profondément nourris par de grands professeurs d’université américains, théoriciens du management, mathématiciens ou ingénieurs, toujours prompts à transmettre leurs avancées dans des livres (comme le fameux Lean Startup, d’Eric Ries) ou lors de conférences TED. Étonnamment, ce souffle venu tout droit de la Silicon Valley fait renouer Paris avec son destin de ville intellectuelle (même si les auteurs ici n’ont rien de littéraire), de ville du savoir - la formation des ingénieurs notamment, mais aussi des artistes et des graphistes reste parmi les meilleures au monde, et ce n’est pas un hasard si Facebook a choisi Paris pour implanter sa première antenne à l’étranger -, de ville du beau, enfin, tant l’esthétisme d’une application ou d’un site est crucial dans le succès de ces jeunes entrepreneurs. « L’esprit californien, c’est aussi cela : le beau au service de la transmission, analyse Mathieu Baudin, fondateur de l’Institut des Futurs souhaitables. Clairement, on assiste aujourd’hui à un retour des artistes aux côtés des stratèges, comme pendant la Renaissance. »
« Comme un ado, une start-up doit s’opposer pour exister »
Finalement, ce monde de geeks intellos flirte aussi beaucoup avec l’idéalisme - héritage des années 1970 et des hippies, qui voulaient, comme Steve Jobs, changer le monde. Et c’est ce qui rend ces jeunes patrons profondément sympathiques. « L’idée n’est plus de créer l’entreprise la plus rentable et de la revendre le plus cher possible. L’idée, c’est déjà de vivre, explique l’un d’entre eux. De se lever le matin en aimant ce que l’on fait. D’y trouver un sens. » La concurrence est rude. Il faut lever des fonds. « Il faut croire à un rêve, à quelque chose d’absolu pour convaincre tous les sceptiques autour de soi. Il y a presque quelque chose d’adolescent à vouloir être disruptif - comme un ado, une start-up doit d’abord s’opposer pour exister. » Disons-le clairement : cette fraîcheur fait envie. « Ce qui réveillerait les grands groupes et la croissance aujourd’hui, ce serait que cet esprit fasse des petits, souligne Mathieu Baudin. Que chaque salarié ait le droit de fonctionner comme un entrepreneur, responsable de ses résultats. La liberté est l’ingrédient clé de la créativité. Et être soi, le plus grand pouvoir dans la société. »
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